Prends ma main by Dolen Perkins-Valdez & Dolen Perkins-Valdez

Auteur:Dolen Perkins-Valdez & Dolen Perkins-Valdez [Dolen Perkins-Valdez]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Seuil
Publié: 2022-09-08T13:42:42+00:00

VINGT-SIX

Je ne m’étais pas liée ainsi avec une famille depuis longtemps. Tous mes grands-parents étaient morts avant même mes treize ans. Papa était enfant unique et maman n’avait qu’une sœur qui n’avait pas d’enfant. Contrairement à beaucoup en Alabama, je n’avais pas pléthore de cousins, si bien qu’être dans cette maison m’a réchauffé le cœur. Nous avons mangé, nous nous sommes reposés, avons discuté, avant de manger à nouveau. Nous avons dû rester à table des heures. C’était des gens volontiers bavards, et ça me détendait. J’écoutais en hochant la tête.

Après le dîner, nous avons bu le café. Il y avait Ricky, un mécanicien de Lowndesboro qui avait épousé Dina, une femme beaucoup plus jeune que lui. Ils avaient trois garçons, tous de moins de huit ans, qui se coursaient dans la maison, armés de pistolets en plastique. Dina les surveillait du coin de l’œil en leur criant de temps à autre : « Arrêtez de courir ! » Ricky se contentait de sourire en se curant les dents. Pendant le repas, le plus jeune était resté assis sur les genoux de son père et avait mangé dans son assiette.

– Sa première femme est décédée. Ils n’ont jamais pu avoir d’enfant, m’a chuchoté Mme Williams pendant que nous débarrassions la table et emmenions les piles d’assiettes sales dans la cuisine. Il aime ses garçons plus que tout.

Tout comme Nellie l’avait annoncé, Patsy et Doe étaient de grandes femmes. Elles étaient sœurs et s’étaient occupées une fois d’Erica et India. Elles étaient toutes les deux habillées comme dans les magazines, avec le même afro bouffant et les mêmes anneaux aux oreilles. Patsy, assise à côté d’India pendant le repas, n’avait pas arrêté de lui servir de la limonade et de lui proposer plus de nourriture. J’avais surpris Doe en train de scruter Erica, comme si elle se demandait à quoi allait ressembler sa vie désormais, comme si elle cherchait à déterminer si cette stérilité se voyait à l’œil nu.

Même si nous n’avions pas évoqué le sujet à table, j’étais certaine que tout le monde avait entendu parler de l’opération. Lorsque Nellie m’avait présentée, ils m’avaient tous observée une seconde de plus que nécessaire. À un moment, un retardataire est arrivé, Tim, le beau-frère de Mace, et il a finalement ouvert les vannes alors que nous sirotions notre café.

– Vous avez vu les nouvelles aujourd’hui ?

À l’arrière de la maison, les voix aiguës des enfants couvraient le vacarme de la télévision. Seuls les adultes étaient restés à table. Je me suis appuyée contre le dossier de ma chaise, en fixant le lustre poussiéreux au-dessus de ma tête.

– Sur quelle chaîne ? a demandé Nellie. On reçoit pas tout ici.

– N’importe quelle chaîne, a répliqué Tim.

Mace a effleuré sa tempe d’un doigt. J’ai avalé une autre gorgée de café, et mon geste a attiré le regard de Tim. Il m’a observée en sortant une feuille de journal de sa poche arrière. Il l’a dépliée et étalée sur la table. J’ai essuyé quelques miettes devant moi et jeté un coup d’œil au titre de l’article.

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